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« Eloge de la plage » : Grégory Le Floch en bordure du monde - Le Monde

Grégory Le Floch, sur l’île de Pantelleria (Italie), en août 2022.

Gloria, Gloria, le troisième roman de Grégory Le Floch (Christian Bourgois, lire « Le Monde des livres » du 17 mars), s’ouvrait sur une plage de l’île d’Elbe. Le narrateur décrivait, fasciné, le corps d’une femme âgée s’offrant au soleil et aux vagues. Un lieu qui n’avait rien d’anodin – l’auteur est un amoureux des rivages marins, lieux d’écriture privilégiés. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il signe un Eloge de la plage. Bretagne, Italie, Grèce… De ces rives, entre essai littéraire et récit de voyage, il offre un « catalogue » personnel, une vision aussi éblouissante que mélancolique.

Sur l’île d’Elbe, raconte-t-il, rappelant la scène inaugurale de Gloria, Gloria, il a vu un jour une vieille femme nue dont le corps « irradiait », telle « une petite flamme blanche ». Il décrit d’abord la plage comme un « espace de féerie », se livrant, dans une série d’instantanés paradisiaques, à une poésie géologique des plages volcaniques de sable noir de l’île de Stromboli aux sables violets de Californie, en passant par la coloration verte du sable d’Hawaï ou à celui, phosphorescent, des Maldives : « Et tous ces ocres, ces bruns, ces reflets dorés, ambrés, donnent au rivage des nuances de miel et de safran. »

Puisant dans son expérience comme dans l’imaginaire collectif, s’appuyant sur des références littéraires, cinématographiques ou musicales, l’auteur déroule, en phrases simples et sensuelles, une histoire et une sociologie de ce lieu sous l’angle de la frontière, entre marge et lisière. A Brighton, en Angleterre, on y relègue fous et malades au XVIIIe siècle, le bain de mer devenant un remède aux maux de l’esprit et du corps. Venue y soigner ses problèmes pulmonaires, l’aristocratie y prend goût, même en bonne santé, inventant ainsi la plage moderne.

Proust et Paul Morand

Grégory Le Floch en profite pour livrer une interprétation audacieuse d’A la recherche du temps perdu : et si la madeleine de Proust n’était pas le légendaire biscuit de Du côté de chez Swann (1913), mais la plage d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919), sur laquelle le narrateur voit Albertine pour la première fois, et qui devient un « catalyseur d’amour » ?

Au XXe siècle, elle se démocratise, accueillant les classes populaires. Pour illustrer cette mutation, l’auteur plonge dans Bains de mer, bains de rêve (1960) : Paul Morand y célèbre la plage comme un « opium », déplorant son envahissement dès les débuts du tourisme de masse. Lieu d’hédonisme et de jouissance pour tous, la plage n’en reste pas moins cette « bordure du monde » où les normes sociales sont abolies, où l’être profond remonte à la surface. Le corps s’y libère, comme le chantait Brigitte Bardot dans Nue au soleil, en 1963 ; on y noue des amours éphémères.

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