Comme toujours après avoir récupéré un tableau volé, Arthur Brand savoure son exploit et ne se prive pas de le faire savoir sur X (anciennement Twitter). Mardi 12 septembre, quelques jours après l’avoir récupéré, le détective privé néerlandais poste une photo où on le voit tenir entre les mains Le Jardin du presbytère de Nuenen au printemps (1884), un Van Gogh volé voilà trois ans au Singer Laren, musée à Laren, aux Pays-Bas. « Je pensais bien qu’un jour on le retrouverait, mais je ne savais pas quand », déclare au Monde ce fin limier, qui a élucidé une trentaine de vols d’un montant de 200 millions d’euros.
L’affaire remonte au 30 mars 2020. Ce jour-là, à 3 h 14 du matin, un homme cagoulé fait exploser l’entrée vitrée du bâtiment avant de repartir quelques minutes plus tard à moto, le Van Gogh sous le bras. Dans cette ville coquette de 11 000 habitants, à trente kilomètres d’Amsterdam, derrière leurs haies manucurées, les voisins confinés depuis dix jours n’ont rien vu ni entendu.
Monnaie d’échange
Pour le musée fondé en 1956 par les Singer, un couple d’Américains de Pittsburgh (Pennsylvanie), ce vol fait l’effet d’un séisme. « C’est la pire chose qui peut arriver à un directeur de musée, comme si le sol s’ouvrait sous mes pieds », nous avait alors confié Jan Rudolph De Lorm, directeur de l’établissement. Un vol ? Comment est-ce possible alors que la compagnie d’assurances avait validé, un an plus tôt, son système de sécurité ? Jan Rudolph De Lorm est d’autant plus abattu que le tableau, évalué à 2,5 millions d’euros, a été prêté par le Musée de Groningue.
Cette œuvre de jeunesse de Van Gogh n’a pas la puissance des célèbres Mangeurs de pommes de terre, œuvre datée de la même période, encore moins l’incandescence de ses années arlésiennes. Néanmoins, ça reste un Van Gogh ; et pour les trafiquants, une sacrée monnaie d’échange dans les affaires de trafic de drogue ou d’armes. Certains truands pensent aussi s’en servir pour obtenir une réduction de peine.
En 1988, déjà, des malfaiteurs avaient dérobé ses Œillets au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Quelques mètres plus loin, au Musée Van Gogh, d’autres bandits, aidés par un gardien, avaient subtilisé en 1991 vingt toiles d’une valeur de 500 millions d’euros, rapidement retrouvées dans une voiture volée. Deux autres tableaux du musée, estimés à 23 millions d’euros, volés en 2002, furent retrouvés quatorze ans plus tard, près de Naples, chez la mère d’un célèbre narcotrafiquant italien, Raffaele Imperiale.
Trois mois après le vol survenu au Singer Laren, Arthur Brand reçoit deux photos prouvant que le tableau n’a pas été détruit. Il alerte aussitôt la police, avec laquelle il a l’habitude de travailler main dans la main. En avril 2021, Nils M., un délinquant connu des autorités néerlandaises, est arrêté. Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir aussi subtilisé un tableau de Frans Hals à Leerdam. Un an plus tard, le voleur est condamné à huit ans de prison. « Une condamnation d’une sévérité inédite pour un vol d’œuvre d’art », s’étonne encore Richard Bronswijk, à la tête de la brigade néerlandaise spécialisée dans ce domaine, près de La Haye.
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