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“The Blues Brothers”, sur Arte : film culte et miraculé d'un tournage rocambolesque - Télérama.fr

Dépassement de budget gigantesque, coups de pouce de la Mafia, addiction à la cocaïne de John Belushi… le tournage en 1979 de “The Blues Brothers”, à voir ce soir sur Arte, fut épique. Retour sur une époque folle et révolue.

Le duo John Belushi et Dan Aykroyd était déjà ultra populaire grâce à ses sketchs pour l’émission « Saturday Night Live ».

Le duo John Belushi et Dan Aykroyd était déjà ultra populaire grâce à ses sketchs pour l’émission « Saturday Night Live ». Universal

Par Julien Welter

Publié le 23 juillet 2023 à 19h00

La trame de The Blues Brothers (1980) est basique : deux frères, mauvais garçons, tentent de reformer leur groupe de rhythm’n’blues pour éponger les dettes de l’orphelinat catholique où ils ont grandi, à Chicago. Dans leur quête, ils enchaînent les délits et lancent à leurs trousses tout ce que l’Illinois compte de véhicules policiers, une cavale entrecoupée de numéros musicaux endiablés. Sur la foi de ce pitch, Universal Pictures donne le feu vert au projet. Des comédies avec force carambolages, il s’en produit naturellement à Hollywood, dans la roue du triomphe de Cours après moi shérif (1977), avec Burt Reynolds.

De plus, les Blues Brothers, duo comique formé par John Belushi et Dan Aykroyd, sont ultra populaires grâce à leurs sketchs de l’émission Saturday night live. Leur groupe existe vraiment et leur album de reprises de standards, Briefcase Full of Blues, est numéro 1 des ventes. Jim Belushi vient aussi de tourner American College, dont le succès est comparable à celui de Grease en cette année 1978. C’est le réalisateur de cette comédie, John Landis, qui met en scène les aventures des deux frangins passionnés de musique noires américaines. Ne manque que le scénario, confié à Dan Aykroyd, qui a obtenu un Emmy Award pour ses sketchs du SNL. Non seulement il n’a jamais écrit de scénario de long métrage, mais il n’en a aussi jamais lu un seul.

Six mois plus tard, alors que le tournage approche dangereusement, Dan Aykroyd livre 320 pages (soit le triple d’un script classique), emballées dans une couverture du bottin téléphonique. Pendant que John Landis synthétise en catastrophe cette épopée, Universal invite ses deux vedettes à ôter, le temps de quelques séquences, leurs Ray-Ban Wayfarer, pour plus d’empathie avec le public. Non seulement elles refusent, mais John Belushi (dont on verra une seule fois les yeux dans le film) perd chaque jour les dizaines de paires à sa disposition, tant il est distrait par sa consommation de cocaïne. Les Ray-Ban Wayfarer étant passées de mode, elles ne sont plus fabriquées et il faut envoyer des assistants dans toutes les brocantes du pays pour en retrouver. C’est une peccadille, comparée à tous les problèmes que cause l’addiction du comédien (retards, prise en compte de la drogue dans le budget du film…).

Dan Aykroyd, Ray Charles et John Belushi, dans « Blues Brothers », 1980.

Dan Aykroyd, Ray Charles et John Belushi, dans « Blues Brothers », 1980. Universal

Le look des deux frères, costume noir-cravate, inspiré de celui de John Lee Hooker, est une protestation contre le disco, alors roi. C’est pourquoi John Belushi et Dan Aykroyd refusent également l’idée de confier les numéros musicaux du film à des vedettes de ce genre. Ils imposent des figures de la soul et du blues – Aretha Franklin, James Brown ou John Lee Hooker –, toutes commercialement marginalisées à la fin des années 1970 (le public des Blues Brothers, majoritairement blanc, préfère leurs reprises aux originaux). Quant aux cascades automobiles, elles font passer le budget d’une dizaine de millions de dollars à une trentaine (soit l’équivalent, à la même époque, de celui de Star Wars épisode VI : Le Retour du Jedi). Grâce à une connexion mafieuse, John Landis bloque des quartiers entiers de Chicago, alors que la mairie avait banni les tournages dans ses rues… en raison de la mauvaise image donnée par Hollywood à la ville, toujours associée aux gangsters. Landis lance des dizaines de voitures à 180 kilomètres-heure dans Chicago et multiplie les cascades, avant de se rendre compte, au dérushage, que les scènes, dans les rues désertes, ont juste l’air d’être passées en accéléré. Il faut tout retourner, cette fois avec des figurants, pour produire à l’image l’effet escompté.

À l’arrivée, le succès est miraculeusement au rendez-vous, malgré un boycott initial des exploitants dans les États du Sud (pour eux, soit il y a trop de Noirs à l’écran, soit, pour cette même raison, il y aura trop de Noirs dans la salle). John Belushi meurt d’une overdose en 1982 et John Landis ruine sa réputation en causant, par son imprudence, la mort de trois comédiens sur le tournage du film collectif La Quatrième Dimension (1983). Seuls les artistes soul du film ont été relancés grâce à lui. Et si le temps n’est pas toujours tendre avec son humour (des blagues sur les gros, sur l’esclavage sexuel, sans compter un Ray Charles aveugle qui tire au pistolet sur un môme, ou un nazi gay), le Vatican a reconnu, par la voie de son journal L’osservatore romano, que les Blues Brothers, qui se disent en mission pour Dieu, sont les symboles de la « rédemption par le sacrifice ». Hallelujah !

r Les Blues Brothers, sur Arte, à 21h.

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