Au premier jour du procès de ses treize cyberharceleurs, Magali Berdah est longuement revenue sur les dix-huit mois de raid numérique qu'elle a subi.
"J’aurais aimé qu’ils soient tous là aujourd’hui pour m’entendre, qu’ils se rendent compte de ce qu’ils ont fait". Si Magali Berdah était "déçue", ce lundi à la barre du tribunal judiciaire de Paris, c’est que la moitié des prévenus n’a pas jugé bon de se déplacer. Sur les treize personnes qui comparaissent, pendant quatre jours, pour cyberharcèlement aggravé, menaces de mort ou menaces de crimes à son encontre, seuls sept se sont présentés devant la 10e chambre correctionnelle au premier jour du procès.
Des absences qui n’ont pas empêché la papesse de l’influence de revenir, pendant près de trois heures, sur les 18 mois du "harcèlement en meute" qu’elle a subi. Un raid numérique déclenché, selon elle, par le rappeur Booba.
"Son premier tweet, c’était le 17 mai 2022", a-t-elle expliqué. La suite, c'est un enchaînement de messages "diffamatoires contre elle et sa famille", publiés par Booba dans les semaines qui suivent, raconte Magali Berdah à la barre.
"C’était non-stop, ça s’arrêtait jamais"
Car à l'époque, le "Duc de Boulogne" entre en croisade contre les "influvoleurs", ces influenceurs qui font la promotion de produits sur les réseaux sociaux et que le rappeur accuse de pratiques commerciales trompeuses. Booba dénonce des produits contrefaits, dangereux voire interdits, qui ne sont tout simplement jamais livrés, mais aussi des arnaques, comme le CPF, et des pratiques risquées ou interdites.
Et si Magali Berdah devient la cible privilégiée du rappeur, c'est que la plupart de ces influenceurs ont signé chez Shauna Events, une société de mise en relation avec des marques que la businesswoman dirige.
"Tous les jours, c’était une accusation différente", a-t-elle poursuivi. "Un jour, j’étais une arnaqueuse au CPF. Le lendemain, une meurtrière. Booba m’a même mis en cause pour l’assassinat de ma belle-sœur [assassinée avec son compagnon en octobre 2021]. Un jour, j’étais une mauvaise mère car ma fille allait en boîte. Un jour, j’étais juive, le lendemain, j’étais le Mossad". "C’était non-stop, ça s’arrêtait jamais, c’était de pire en pire, ça allait dans tous les sens", a-t-elle raconté.
"Il m’attaquait tous les jours sur tout et n’importe quoi", a poursuivi Magali Berdah, mains cramponnées à la barre, les sanglots dans la voix.
Le rappeur s'en prend d'abord "à son travail", mais aussi à d'autres activités, comme "son interview d'Emmanuel Macron", réalisée en avril 2022. Et Booba ne s'arrête pas là. Selon elle, il publie l'adresse de l'école de ses deux filles. "C’est grave, c’est une école juive", a-t-elle ajouté. Magali Berdah se retrouve même dans une fausse vidéo pornographique, publiée par le rappeur, selon elle. "Moi, je n'étais plus à ça près. Mais j'ai eu peur que mes filles pensent que c'était vraiment moi sur la vidéo", a-t-elle expliqué. L'extrait est alors analysé par les enquêteurs, qui confirment qu'il s'agit bien d'un montage.
"J'ai dû montrer la vidéo pornographique à mes filles pour qu'elles voient que ce n'était pas moi", a-t-elle enchaîné.
"C’est invivable, personne ne mérite ça"
Avec ses 7 millions d’abonnés sur Twitter et Instagram, Booba déclenche un véritable "raid numérique" contre Magali Berdah, affirme-t-elle à la barre. Sur le seul mois de mai 2022, la papesse de l'influence dénombre plusieurs dizaines de milliers de messages malveillants d'internautes anonymes, parfois "jusqu'à 500 en une journée". Des tweets haineux, des messages privés à caractère antisémite, des menaces de mort et même des appels, jusqu'à "un par minute", à certaines périodes. En septembre 2022, ce sont plus de 69.000 messages qui lui ont été envoyés. "Après, ça n'a cessé d'augmenter", selon elle.
"À un moment, on a dépassé les 100.000 messages malveillants. Après on a arrêté de compter", a-t-elle expliqué, avant de fondre en larmes.
À l'audience, le président a lu quelques-uns des messages reçus par Magali Berdah: "tu vas mourir toi, ton mari et tes enfants, on va t’écarteler", "tu mérites d’être décapitée, puis lapidée", "on viendra t’égorger chez toi", "un faux pas, ne serait-ce qu’un seul, balle dans la tête pour toi et ta famille" ou encore "dommage que Hitler ne s’est pas occupé à tes grands-parents".
Et le harcèlement va plus loin. "Ils ont fini par publier mon adresse, on a dû déménager deux fois, ils ont publié l’emploi du temps de mon agent de sécurité, notre véhicule a été cassé, nos bureaux aussi, à trois reprises, et ma fille s'est fait taper dans la rue", a-t-elle détaillé.
Car les conséquences de ce cyberharcèlement, a-t-elle raconté, Magali Berdah n'est pas la seule à les subir. "Aujourd'hui, on travaille à la maison, même mes salariés ne se sentent pas en sécurité. Ma fille, la plus grande, a été déscolarisée. Elle n'a pas d'amis, elle vit recluse à la maison. On vit tous reclus", a-t-elle poursuivi.
"C’est invivable, personne ne mérite ça, je n’arrive pas à comprendre comment ça peut exister en France, de mettre quelqu’un à mort comme ça", a fondu en larme Magali Berdah.
"Je suis un paria de la société"
La suite, selon elle, c'est une longue descente aux enfers professionnelle et sociale: "J’ai perdu mon travail de chroniqueuse sur C8, j’ai perdu des amis qui ne veulent plus s’afficher avec moi par peur d’être cyberharcelés, les journalistes qui ont écrit des articles racontant mon cyberharcèlement ont eux aussi été harcelés".
"C’est comme si aujourd’hui j’étais devenu un monstre. Je suis un paria de la société, je ne suis pas fréquentable, je suis sale, je représente tout le mal de la société (...) Tout s’est écroulé, j’ai tout perdu", a-t-elle déploré.
À plusieurs reprises durant les dix-huit mois, a-t-elle raconté, elle publie des vidéos d'elles, en pleurs, pour réclamer la fin de ce harcèlement. "Mais plus je demandais aux gens d’arrêter, plus ils se réjouissaient", a-t-elle poursuivi, ajoutant: "Personne ne mérite de se lever le matin et de se faire menacer de mort et de se coucher le soir et se faire menacer de mort".
Un déferlement tel que Magali Berdah a pensé à plusieurs reprises au suicide, a-t-elle révélé à l'audience. "Je me suis dit, soit je vais me faire tuer parce qu'un jour, je vais tomber sur un fou dans la rue, soit je vais me tuer", selon elle.
"Une fois, j’ai pris une chambre d’hôtel avec ma fille pendant une semaine, parce que je me suis dit que si elle était collée à moi, je ne me ferais rien. À quel moment on arrive à ça?", a-t-elle demandé à la barre.
"J’aurais préféré qu’il me tabasse"
Quand ses cyberharceleurs sont interpellés, Magali Berdah se dit "que ça va s’arrêter, qu'elle va reprendre sa vie". "Mais ça ne s’est pas arrêté, la meute a continué", a-t-elle expliqué.
À plusieurs reprises, ce lundi, elle a dénoncé l'invisibilisation des violences numériques. "Il faut que les gens comprennent la violence du cyberharcèlement", a-t-elle réclamé.
"Si on m’avait tapé ou violé, on ne m’aurait jamais demandé de me justifier, d’essayer de trouver un arrangement avec Booba ou de faire un débat en plateau avec lui", a-t-elle dénoncé.
"Je ne souhaite même pas à Booba de vivre ce qu’il m’a fait vivre. D'ailleurs, j’aurais préféré qu’il me tabasse une fois et qu’après il me laisse tranquille, plutôt que ça tous les jours", a-t-elle ajouté. Si le rappeur ne fait pas partie des 28 prévenus, il a été mis en examen début octobre pour harcèlement moral aggravé dans une enquête distincte.
Le procès doit se poursuivre mardi avec les interrogatoires des accusés présents. Les deux dernières journées d'audience, lundi 4 et mardi 5 décembre, seront consacrées aux plaidoiries de la défense et des parties civiles, ainsi qu’aux réquisitions du parquet. Face au nombre de prévenus, le tribunal a découpé le procès en trois sessions de quatre jours. Les deux autres doivent se tenir le 11 décembre et le 24 janvier prochains.
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